mercredi 14 novembre 2012

Vigie postale Elysée - Lettre n°6
Le maintien de la piste de Bouguenais
Françoise Verchère - 4/10/2012

Françoise VERCHERE,
Conseillère générale de Loire-Atlantique,
avec le soutien de la coordination des opposants au projet de nouvel aéroport à Notre Dame des Landes

à Monsieur le Président de la République
Palais de l’Elysée
55 rue du Faubourg Saint Honoré
75008 PARIS

À Bouguenais le 4 octobre 2012
                                                                                     
Monsieur le Président,

Vous avez reçu ces quatre dernières semaines des courriers de Sylvie et Marcel Thébault, de Brigitte et Sylvain Fresneau, de Chantal et Thierry Drouet, de Geneviève Lebouteux, et de Jacques Chiron soutenus par l’ensemble de la coordination des opposants au projet de nouvel aéroport à Notre Dame des Landes, vous demandant un entretien. Chacun des courriers vous alertait sur des points particuliers du dossier de Notre Dame des Landes que les porteurs du projet taisent depuis des années.

Aujourd’hui c’est de l’important établissement d’Airbus, situé à côté de l’aéroport de Nantes-Atlantique que je souhaite vous parler. Élue de Bouguenais, sa commune d’implantation, de 1983 à 2008, maire de 1993 à 2007, je connais particulièrement ce dossier et depuis longtemps alerte mes collègues élus et l’opinion publique  sur les risques que ferait courir un transfert inutile de l’aéroport.

En effet, il n’y a pas d’usine Airbus dans notre pays qui ne soit associée à une piste ; jusqu’ici, la concession de gestion qu’avait la Chambre de Commerce portait sur deux aéroports, celui de Bouguenais (appelé Nantes-Atlantique) et celui de Gron-Montoir, où se trouve l’autre usine Airbus dite de Saint-Nazaire ; ces deux aéroports étant ouverts à l’aviation générale, Airbus pouvait ainsi sans problème ni coût particulier utiliser les pistes pour son transport de pièces (par Beluga) ou de personnel.

Au moment du débat public de 2003 sur l’opportunité du transfert de l’aéroport, j’ai obtenu que la direction de l’usine de Nantes-Bouguenais dise publiquement son souhait de garder la piste, qu’elle n’entend pas payer pour autant. Aussitôt, tous les porteurs du projet de transfert ont affirmé qu’on garderait une piste pour les besoins industriels d’Airbus, on en a même chiffré le coût d’entretien mais  repoussé à plus tard la question du financement.

En 2009, à la surprise générale, le maire de Nantes, président de la communauté Urbaine affirme qu’il ne restera rien à Bouguenais et que l’on trouvera une  solution alternative pour Airbus (transfert par barge ou route) ; son objectif avoué est en effet de récupérer les espaces libérés par le départ  de l’aéroport pour faire grandir l’agglomération ; le gouvernement reste dans un flou total :  Jean-Louis Borloo, alors ministre et en visite à Bouguenais, affirme devant le personnel que rien ne viendra fragiliser l’établissement et qu’on gardera donc la piste, le directeur de cabinet de Madame Kosciusko-Morizet qui reçoit le CéDpa (Collectif d’élu-e-s) assure qu’Airbus paiera l’entretien de la piste à usage strictement industriel…

Quant au  nouveau contrat de gestion conclu avec A.G.O (c’est-à-dire Vinci associé à la Chambre de Commerce), il  ne prévoit plus, à partir de 2017,  que la gestion de deux aéroports : celui  de Notre Dame des Landes et celui de Gron. Septembre 2012 : les conclusions du groupe de travail sur la solution alternative pour l’usine de Bouguenais bouleversent à nouveau le paysage. Comme il fallait s’y attendre, en effet, la piste est jugée indispensable à la poursuite de l’activité industrielle ! Retour donc à la question du financement : déjà, le président du conseil général,  interrogé par la presse, admet être prêt à contribuer au tour de table financier si nécessaire…

Le maintien de la piste implique donc : un coût supplémentaire pour l’État qui comptait compenser la charge financière du nouvel aéroport en vendant la totalité de ses terrains libérés à Bouguenais ; un coût supplémentaire pour les collectivités locales, en sus des prêts consentis à Vinci,  et la fin de certains  projets  d’urbanisation à cet endroit ; un risque éventuel pour Airbus dans tous les cas ( coût supplémentaire pour l’entretien de la piste, risque de contentieux avec Boeing en cas d’aide des collectivités…).

Quel paradoxe en cette période d’incertitudes industrielles et d’argent public rare! Nous avons avec l’aéroport de Nantes-Atlantique un outil performant et améliorable, indispensable à  la grande usine installée à côté (plus de 2000 emplois, un carnet de commandes plein pour les cinq années à venir), mais  pour satisfaire les intérêts ou les phantasmes de certains qui ne jurent que par la croissance, façon avant-hier, on multiplierait les erreurs ?  Déménager un aéroport qui ne pose aucun problème de sécurité (en tout cas pas plus que ceux de Marseille, Toulouse etc.), détruire une zone exceptionnelle pour la biodiversité, qui permet le développement d’une agriculture paysanne telle que vous la souhaitez, gaspiller de l’argent public et peut-être  fragiliser une des entreprises françaises actuellement porteuses d’emplois…

Monsieur le Président, votre premier ministre répète qu’il faut faire des économies substantielles, nous lui proposons de montrer l’exemple en décidant d’un moratoire sur Notre Dame des Landes. La collectivité n’a rien à perdre à cela, bien au contraire. Et votre gouvernement y gagnera en exemplarité et en cohérence.

Je me permets d’insister, Monsieur le Président, sur la nécessité de nous recevoir. Nos arguments sont sérieux, nos chiffres valides, notre conviction qu’il est possible de faire autrement solide. Persuadée de votre attention particulière à ce sujet de Notre Dame des Landes qui symbolisera pour votre mandat ou la persistance dans l’erreur ou au contraire une nouvelle manière d’agir, je vous assure Monsieur le Président, de ma haute considération,

Françoise Verchère,
Conseillère générale,
Co-présidente  du collectif des élu-e-s qui doutent de la pertinence du projet d’aéroport (CéDpa)

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