jeudi 10 mars 2016

Prise de parole de l'ADECA le 27/02/2016

Depuis 40 ans la population dit non à ce projet d’aéroport et aujourd’hui c’est toujours non !
Mais aujourd’hui, nous sommes très très nombreux.
Ce ne sont plus seulement les paysans qui disent non, mais aussi toute la population : des jeunes, des moins jeunes... Tout le monde se sent concerné par ce débat.
Les raisons  sont en partie les mêmes : la défense des terres agricoles, la défense d’emplois locaux, le refus que de grands élus décident pour nous, le refus que l’aménagement du territoire se fasse au profit des grandes villes et au détriment des territoires ruraux.
Depuis, d’autres motivations se sont ajoutées : l’horreur pour les dossiers compliqués bourrés de chiffres, non consultables et surtout bidouillés pour aboutir au résultat que l’on veut ; c’est le cas de l’étude coût bénéfice.
Bien sûr, le respect de l’environnement, de notre terre, de celle de nos petits enfants est une dimension qui a pris de l’ampleur aussi.
C’est pourquoi, François Hollande l’a reconnu : « on ne peut pas circuler sans entendre parler de Notre Dame des landes ». C’est le fruit de toutes vos mobilisations, partout en France et sous différentes formes. Notre Dame des landes est un débat incontournable et sur lequel on ne lâchera pas.
Attention, les choses s’inversent, bientôt on dira : «  vous savez Nantes, cette ville à 20 km de Notre Dame des landes, cette ville qui détruit tout l’environnement dans son voisinage pour être toujours plus verte »
Pour cette ville-entreprise qui investit des millions dans la communication sur son image, ce serait trop la honte !
En tout cas, il y en a qui ne changent pas ! Ce sont les hommes politiques ! Toujours droits dans leurs bottes, à répéter les mêmes mensonges. C’est normal, ils mettent à la poubelle les notes techniques de leurs services censées les faire réfléchir.
Nous, nous sommes les braves gens, qui sans peur du ridicule avons sans cesse fait appel au bon sens : quand on n’est pas riche et que l’on a un outil qui marche bien ( et les compagnies aériennes qui ont primé Nantes Atlantique meilleur aéroport régional savent qu’il marche bien !) ; et bien quand un outil fonctionne bien, on ne le casse pas pour en faire un neuf dont on n’est jamais certain qu’il marche aussi bien et dont on est sûr qu’il coûtera beaucoup plus cher.
Cette évidence, les porteurs du projet ne l’ont jamais partagée. Ah oui, il y a un détail, nous raisonnons avec notre argent et eux raisonnent avec l’argent des autres, l’argent public, le vôtre, celui des services sociaux que l’on réduit parce qu’il faut faire des économies.
Voilà pourquoi nous sommes dans cette bagarre.
Qui sommes-nous , les historiques expulsables?
Des habitants, locataires bien avant 2008 ; par exemple Alphonse qui vit ici depuis plus de 80 ans. Beaucoup y ont vécu toute leur vie d’adulte.
Tous nous étions ici pendant l’opération César, avec une foule de combattants harassés voire blessés, avec les flics à proximité. Tous nous avons vécu l’occupation policière qui a suivi. Nous avons mis à disposition de la lutte la vacherie, la rolandière, les fosses noires. Avec l’aide des terres de Bellevue, nous avons réorganisé l’usage du foncier pour gérer les dégâts de l’opération César et s’organiser avec les activités agricoles de sème ta Zad.
Les paysans ont acheté soit du foncier en bordure de zone, soit une maison dans la zone pour limiter l’emprise de Vinci.
Les paysans ont participé d’une façon ou d’une autre à la grève de la faim.
Hervé était le premier occupant illégal en s’installant en 78 sur les terres de ses parents.
Nous ne gênons pas physiquement Vinci pour l’année 2016, quels que soient ses projets.
Mais nous sommes des opposants à abattre, nous n’avons pas encaissé les chèques des expropriations et nous n’avons jamais signé de bail annuel avec Vinci pour vivre dans nos maisons ou utiliser nos parcelles historiques. Selon la bible de Vinci, notre activité agricole est illégale et donc nous devons partir.
La plupart des historiques vivent avec ce projet au-dessus de leur tête depuis l’enfance, c’est une partie de leur vie.
Ce paysage, ces terres, cette biodiversité, c’est en partie le fruit de leur travail, de leur mode de vie en recherchant un équilibre entre production et respect de la terre et du bocage.
On peut sans doute faire mieux et on le fera. Mais l’urgence aujourd’hui, c’est de sauver ces terres.
On croit être seul  en voulant sauver ces terres de Notre dame, mais en fait, on s’aperçoit que c’est le même problème ailleurs. Quand on a reçu Via Campesima, avec des délégations de plein de pays différents, on a découvert qu’il y avait la même histoire en Indonésie, au japon. En un siècle, on a imperméabilisé 25% des terres agricoles en France, et on a le même phénomène au niveau mondial. Vous connaissez tous ces terres que l’on arrache aux paysans à Madagascar, que l’on privatise en Amérique latine, en Ukraine etc.
C’est bien un combat universel que nous menons, celui de la sauvegarde de la terre nourricière.
Dans un pays comme le nôtre, réduire les terres agricoles, c’est condamner les paysans à utiliser plus d’intrants avec des cultures plus productives et plus exigeantes et donc plus fragiles. Ailleurs, cela se traduira par plus de défrichage de forêts. A tout point de vue, c’est le contraire de ce qu’il faut faire. C’est en particulier très contradictoire avec les engagements de la COP 21.
C’est pour cela qu’il faut gagner cette lutte.

 Nous pouvons être fiers, tous ensemble, de ce que nous avons fait tous ensemble. Résister pendant si longtemps, nous avons montré que c’est possible. Cet aéroport qui devait être inauguré en 2017 et les travaux n’ont toujours pas commencé. Hou la la, on comprend qu’ils soient furieux en face.
Non, messieurs, nous ne vous élisons pas pour que vous décidiez pour nous. Non, messieurs, nous ne laisserons pas les lobbies du BTP et de l’immobilier nous gouverner.
Non, messieurs, nous ne vous laisserons pas détruire notre bocage avant le verdict de tous les recours.
Assurément, la force de notre lutte est la diversité des acteurs :
L’opposition des pilotes de ligne et leur expertise aéronautique
L’implication des élus et aussi leur expertise des dossiers
L’expertise des naturalistes en lutte
L’expertise des ateliers citoyens
Les mobilisations et le travail d’information
L’action juridique
L’engagement sur le terrain des paysans de Copain
La résistance sur le terrain par les occupants
La non collaboration têtue des historiques
Dans un monde normal, deux parmi ces résistances auraient dû suffire à couler le projet, en fait, toutes ces forces ensemble n’ont réussi qu’à le bloquer. Mais c’est déjà cela. Il nous reste à construire  notre avenir et le chemin qui mène à la victoire. Depuis 2012, nous avons su gérer chaque difficulté et nous allons continuer à le faire.
Vous l’avez vécu comme nous l’hiver a été chaud. En plus, ici, il a été rude.
Cela a commencé dès l’été quand les juges ont dit qu’ils n’avaient pas compétence pour se prononcer sur le respect de l’environnement par ce projet.
Le lobby du patronat, soutenu par le premier ministre y est allé à fond : « il faut démarrer les travaux, l’avenir de la région en dépend, la région est prise en otage, la zad c’est l’ultra violence, c’est Mossoul, c’est la république qui est en danger »
Ont succédé ensuite, les expropriations des derniers dossiers d’historiques, puis les procès pour expulsion, qui se sont conclus par des décisions d’expulsion.
Vinci nous avait bien prévenu qu’en ne signant pas amiable, nous passerions devant le juge. C’est fait et plusieurs fois, nous connaissons très bien le chemin maintenant.
 Au 26 mars, nous serons tous comme les autres occupants de la Zad, expulsables de nos maisons. Depuis la fin janvier, l’utilisation de nos terres et la présence de nos troupeaux sont illégales. Nous ne sommes pas certains du tout de toucher les aides Pac pour 2016. C’est dommage, car avec le prix du lait que nous aurons ce serait assez dur de joindre les deux bouts sans les aides Pac. Ce sera une affaire à suivre.
Merci à tous pour le soutien et les mobilisations que nous avons menées pour éviter ces jugements. Ce fut beaucoup d’énergie et nous pouvons être très fiers de tout ce qui s’est fait. Le courage, c’est aussi de résister aux provocations des flics quand nous l’avons décidé ensemble. Solidarité totale avec tous les amis paysans et chauffeurs escargots qui ont été arrêtés et pénalisés lourdement.
Ici, quand on se mobilise pour Notre dame, on paie toujours très cher.
Enfin, on voudrait conclure par un mot sur la vie sur la zad.
Nous y vivons tous les jours, nous y dormons toutes les nuits, nous pouvons en parler en vrai.
Nous sommes heureux d’avoir des voisins et qu’ils aient occupé la place des maisons détruites en 2012 par césar. Nous sommes heureux qu’ils aient remis de la vie là ou césar nous organisait un désert humain.
Il peut arriver qu’il y ait des embrouilles, mais nous retenons surtout la solidarité et l’énergie mise pour les résoudre. Qui peut réunir pendant des années 2 à 300 personnes sans qu’il y ait d’embrouilles.
Nous sommes riches de la convivialité, des échanges dans un sens et dans l’autre et de la solidarité avec les occupants.
Trouvez nous un autre endroit ou vous pourrez sans argent partager du pain des légumes, de la vie culturelle et bien d’autres choses encore.
Alors, nous considérons que c’est plutôt une chance de côtoyer ces tentatives pour construire un monde diffèrent.

Gardons aussi les terres de Notre dame pour que tous ces rêves en construction continuent à prendre forme.

2 commentaires:

  1. Excellente prise de parole, bien sûr, à 100% d'accord.
    Insistons sur le caractère de notre lutte pour que l'homme puisse "Vivre et travailler sans détruire", comme le dit si clairement Emmanuel Druon, de Pocheco, dans le film "Demain"...

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  2. Merci pour ces mots, pour votre travail sur vos terres/ la terre, votre résistance et votre inventivité. Merci!

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